Le blog du Président de la FAGE

Régulièrement, la présidente ou le président de la FAGE publie une tribune sur des sujets liés à l'enseignement supérieur et la recherche, à la jeunesse ou à la société.

Vous pouvez également y retrouver des articles de ses prédécesseurs Paul Mayaux, président de 2020 à 2022, Orlane François, présidente de 2018 à 2020, Jimmy Losfeld, président de 2016 à 2018 ainsi qu'Alexandre Leroy, président de 2014 à 2016.

31/08/2016

LoiTravail : Sortir de l’impasse nécessite d’adresser des garanties fortes à la jeunesse !

Hier, des jeunes de ma génération défilaient dans les rues de France. Peut-être était-ce moins pour dénoncer directement un avant-projet de loi que pour manifester l’expression d’une angoisse profonde, d’un désarroi global. Si la FAGE n’appelait pas à participer aux cortèges, puisque n’appelant pas, à ce stade, au retrait total du projet de loi, j’entends et partage les raisons qui poussent des jeunes de ma génération à témoigner d’une appréhension teintée de lassitude.

Il faut comprendre ; notre génération à nous, c’est celle des 25 % de chômeurs. 

Notre génération, c’est celle des 130 000 jeunes qui restent chaque année sur le carreau, sans qualification, en décrochage social et qui viennent pour beaucoup gonfler les rangs des 2 millions de jeunes NEET : ni en emploi, ni en étude, ni en stage. 

Notre génération, c’est aussi celle qui a été témoin de probablement plus d’avancées technologiques en vingt ans que dans toute l’histoire de l’Humanité et qui a bien compris que son parcours ne ressemblerait en rien à ceux qu’ont connu nos parents.

Nous savons que dans le monde dans lequel nous évoluons, les métiers d’aujourd’hui ne sont pas à coups sûrs ceux de demain, que les secteurs d’activités sont mouvants et que les parcours de vie sont composés de bien plus de mobilité que ceux de nos parents. Dans l’absolu, nous n’avons rien contre ! A vrai dire, le schéma d’un parcours tubulaire, d’un poste de travail à vie ne nous fait pas rêver. Pour autant, nous avons aussi compris à quel point notre présent et a fortiori notre avenir ne pouvaient s’envisager sereinement sans renforcer la sécurité de nos parcours, ainsi que notre capacité à nous former à n’importe quel moment de la vie. Nous former pour choisir, pour évoluer, pour être libres.

Et qu’on se le dise, nous sommes la première génération étant à la fois confrontée à une crise qui dure, à la digitalisation de l’économie et à la mutation des parcours professionnels... Cela légitime le fait que nos attentes soient grandes et nos exigences nombreuses. Dépassant le sujet du travail, la question que nous posons aux pouvoirs publics est celle de notre protection sociale, celle de leurs capacités à garantir notre sécurité dans un monde en mouvement ! Et cette question, elle ne saurait trouver de réponse dans la flexibilisation aveugle, ni dans la facilitation du licenciement. Pas plus qu’elle n’en saurait trouver dans l’immobilisme ou dans le statu quo. 

A ce propos, on ne peut que regretter l’écart terrible entre la genèse du projet de loi travail et la version publiée dans son avant-projet, fin février. Ce projet de loi, qui devait reposer sur les deux piliers que sont le dialogue social pour la souplesse et les droits nouveaux pour la sécurité s’est vu abondé, in extremis, d’un bouquet de mesures agressives et néfastes tendant notamment à faciliter le licenciement. Ces mesures sont tout sauf de nature à nous faire accéder à l’emploi et à l’insertion sociale et professionnelle. Au contraire. Cet ajout, entre provocation et stupéfaction, nous plonge collectivement dans une impasse. La levée de bouclier, logique, a été à la hauteur de la menace. Mais maintenant quoi, on jette le bébé avec l’eau du bain ?

Sortir de l’impasse est encore possible, c’est même souhaitable. Dans sa version actuelle, l’avant-projet de loi n’est pas acceptable, mais le retirer totalement c’est sacrifier l’occasion, avant la fin du quinquennat, d’agir pour notre génération, pour les 2 millions de jeunes laissés sur la touche. C’est avant tout à eux que je pense, à celles et ceux de notre génération à qui profiteront le plus une rénovation du dialogue social et surtout une préfiguration de la protection sociale du 21e siècle au travers du Compte Personnel d’Activité !

Parce que dangereuses et non créatrices d’emplois, les dispositions venant préciser les motifs de licenciement économique ainsi que l’appréciation de ces motifs à l’unique échelle de la France doivent être retirées du projet de loi.

Parce que régressives et faisant planer un risque, notamment sur les jeunes, de chantage à l’emploi, les mesures renforçant le pouvoir unilatéral de l’employeur dans l’aménagement du temps de travail, en particulier concernant le recours au forfait jours dans les entreprises de moins de 50 salariés, doivent aussi être retirées.

Parce que profondément injuste et agressive, la mise en place d’un barème impératif accompagnée du remplacement du plancher par un plafond pour les indemnités prud’homales doit être retirée afin de revenir au droit existant.

Mais envoyer un signal fort à la jeunesse ne peut se résumer à purger le texte de ces dispositions et à y réinstaurer un équilibre entre souplesse et sécurité. Ce projet de loi doit se donner l’ambition de faire date, et d’apporter des réponses structurelles aux attentes des jeunes. Il s’agit d’y mener avec volonté la bataille pour l’emploi et la sécurité des parcours !

Nous le savons, la grande partie des 25% de chômeurs que compte notre génération est composée de celles et de ceux d’entre nous qui n’ont pas eu la chance d’obtenir des qualifications, et qui pour certains se trouvent durablement éloignés de l’emploi. Si la qualification est un préalable de plus en plus impératif à l’emploi, alors l’accès à la formation doit devenir un droit garanti pour tous. La sécurité des parcours passe d’abord par-là ! Aussi, généraliser et universaliser le recours à la Garantie Jeunes pour les décrocheurs est un progrès social qu’il est temps de concrétiser ! Accompagnée de dispositifs d’abondement du Compte Personnel de Formation en heures de formation pour les publics précaires, cette disposition permettrait d’incarner la garantie de l’Etat d’un droit à la formation pour tous !

Puisque nos parcours sont appelés à être de plus en plus séquencés et diversifiés, il est impératif de donner au Compte Personnel d’Activité une ambition plus grande que celle présente dans l’avant-projet de loi. Le CPA doit permettre à chacun une liberté dans l’organisation de son parcours personnel. Pour ce faire, comme déjà prévu dans le cadre du service civique, valoriser les activités non marchandes (bénévolat, volontariat, engagement syndical, etc.) par l’octroi d’heures de formations et le maintien de droits spécifiques pendant cette période d’activité non marchande constitue une avancée sociale majeure !

Tout cela nécessite bien entendu de s’affranchir du calcul politicien qui teinte le sujet. Il est parfois dur de penser que certaines oppositions -de celles qui ne proposent rien- sont guidées par l’intérêt d’agir pour la bataille de l’emploi et non pas par des enjeux bien plus calculateurs ! Cela nécessite aussi de faire table rase de cette posture politique et syndicale archaïque conduisant à ne concevoir de victoires que dans la défaite d’autrui, d’avancée que dans les reculades d’en face, de gloire que dans l’humiliation. La démocratie sociale, c’est agir ensemble pour l’intérêt du plus grand nombre, et en France, il est grand temps de s’y mettre vraiment !

François Hollande, vous ne vouliez être jugé que sur un point : le fait que la jeunesse vive mieux en 2017 qu’en 2012. La balle est dans votre camp : un Compte Personnel d’Activité ambitieux, adjoint d’une généralisation de la Garantie Jeunes représenteraient une avancée majeure et inédite du droit des jeunes à se former et à évoluer au sein de parcours professionnels sécurisés. Ceci n’est d’ailleurs pas antinomique d’une plus grande souplesse, rendue possible par un dialogue social réinventé. Voici, monsieur le Président, l’ambition qui doit être celle du projet de loi travail : celle d’une réforme dont la modernité réside dans sa capacité à créer dans un même mouvement, de la souplesse et de la sécurité !

Tribune rédigée par Alexandre Leroy, Président de la FAGE de 2014 à septembre 2016.

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