Généralisation du service civique, au delà de l’effet d’annonce aux #voeuxPR, quelle réalité pour les jeunes ?

04/01/2015

A l’occasion de ses voeux, François HOLLANDE a annoncé la « généralisation » du service civique « par étapes ». La FAGE y voit une opportunité pour les jeunes mais tient à rappeler les conditions pour que le service civique soit une réelle plus-value pour le volontaire et la structure d’accueil.

Le service civique, plus de 10 ans de gestation

Dès 1996 et l’annonce par Jacques CHIRAC de sa volonté de suspendre le service militaire (effective en 1997), la volonté de créer un service volontaire et citoyen est présente. Elle sera concrétisée en 2006 (notamment suite aux émeutes de 2005 dans les banlieues) avec la création du service civil volontaire. Ce dernier restera néanmoins marginal, notamment par manque d’investissement financier.

Le sujet revient en 2007 lors de la campagne présidentielle au cours de laquelle Ségolène ROYAL et Nicolas SARKOZY se prononcent tous deux en faveur d’un service civique sans parler d’obligation pour les jeunes. La loi du 10 mars 2010 relative au service civique, fortement portée par Martin HIRSCH alors Haut commissaire aux solidarités actives et à la jeunesse, est adoptée à une immense majorité et crée le service civique tel que nous le connaissons actuellement.

Le service civique késako ?

Tout jeune de 16 à 25 ans peut effectuer un service civique de 6 à 12 mois (8 mois en moyenne) pour une mission d’intérêt général au sein d’associations, de collectivités territoriales ou d’établissements publics. Il n’y a aucune condition de diplôme et le volontaire perçoit une indemnité de 573€ par mois. Au cours de son service civique le jeune en service civique participe à une formation civique et citoyenne et une formation aux premiers secours.

Le service civique, une universalisation en marche

Dès le début de son mandat, et notamment par le biais de la Priorité jeunesse, François HOLLANDE a fait du service civique un dossier prioritaire qui a fait l’objet de nombreuses annonces et tâtonnements.


Ainsi, le 6 novembre 2014 il avait exprimé le voeu de créer un service civique universel d’une durée de trois mois et non indemnisé. Cette annonce passée relativement inaperçue du grand public a néanmoins provoqué un tollé auprès des associations 1,2,3, (qui accueillent plus de 80% des volontaires en service civique). En effet, réduire la durée des missions de service civique réduirait presque à néant son intérêt : la force du service civique est de permettre à tout jeune (quelque soit son parcours) de réaliser des missions variées. En effet, en 8 mois de mission, il aura le temps d’être formé par la structure d’accueil ce qui lui permettra d'acquérir de nouvelles compétences et connaissances mais également d’être force de proposition au sein de la structure et non simple exécutant. De plus, supprimer l’indemnisation mensuelle revient à réduire d’autant l’accessibilité du service civique et, in fine, l’accessibilité à l’engagement des jeunes les plus précaires.

Suite aux attentats de janvier 2015, le service civique a fait l’objet de nombreux débats avec au centre la volonté pour certains de le rendre obligatoire et en filigrane la persistance du cliché que les jeunes sont sans valeurs citoyennes. Pourtant, ils sont 80% à suivre l’actualité politique, près de la moitié à avoir signé une pétition4 et ce sont eux qui tirent les chiffres du bénévolat vers le haut5, ce que résume Loïc BLONDIAUX6 par cette formule sur l’engagement politique des jeunes : « un intérêt général pour la politique coexiste avec une absence d’engagement, d’investissement dans les lieux traditionnels de la politique ».

Rendre le service civique obligatoire n’est donc pas la réponse au “désengagement des jeunes de la politique traditionnelle”. Au delà des lieux communs et facilités, il faut réinventer la façon de faire de la politique afin de la rendre plus inclusive pour les jeunes.

De plus, rendre le service civique obligatoire serait un déni de sa nature : un engagement volontaire des jeunes en faveur d’un projet d’intérêt général qu’ils ont choisi. Faire fi de cette dimension c’est nier la réalité de terrain : un jeune est investi dans sa mission parce qu’il a choisi volontairement de réaliser un service civique, au moment qui lui semble le plus opportun et dans le champ qui lui correspond. C’est cet investissement personnel qui va déterminer la réussite de sa mission de service civique (tant pour le jeune que pour sa structure d’accueil). Comme le résumait en janvier François CHEREQUE, président de l’Agence du service civique, « la citoyenneté est un engagement ».

Le 5 février 2015, François HOLLANDE avait finalement tranché pour « un principe simple : que tous les jeunes qui en feront la demande puissent bénéficier d’un service civique ». La FAGE s’était alors félicitée7 de ce pas en avant vers l’universalisation du service civique (qu’elle demande depuis 20078). Une universalisation non pas par l’obligation mais par la mise à disposition de missions plus nombreuses en faveur des jeunes souhaitant s’engager et devant amener le service civique à être une étape incontournable dans le parcours des jeunes, position que rejoint Martin HIRSCH : « plutôt que de rendre le service civique obligatoire par la loi, je préfère sa généralisation progressive par le volontariat ».

Le service civique, vers une généralisation ?

A l’occasion de ses voeux, François HOLLANDE a annoncé la « généralisation » du service civique « par étapes ». Après l’universalisation qui est en marche nous ne pouvons que nous demander à quoi correspond cette annonce. S’il s’agit d’accélérer le calendrier en ouvrant plus de missions et en augmentant la communication auprès des jeunes sur ce dispositif, la FAGE y est évidemment favorable. S’il s’agit de dévoyer le service civique en le rendant obligatoire ou en proposant des missions plus courtes et / ou non indemnisées, la FAGE s’y opposera avec vigueur afin de préserver ce qui fait actuellement sa force : « facteur de brassage, d’intégration, d’insertion. ; il a montré son utilité pour les jeunes et pour notre société » d’après la formule de François HOLLANDE.

De plus, la FAGE sera vigilante à ce que cette montée en charge du service civique ne se fasse pas au détriment de la qualité des missions proposées aux jeunes. Si la FAGE est déjà circonspecte sur la plus-value pour un jeune d’effectuer une mission de “Facilitateur de démarches auprès des demandeurs d’emploi” au sein de Pôle emploi, nous n’accepterons pas que le service civique soit un nouveau contrat précaire pour les jeunes et se substitue à des emplois. Il est ainsi inenvisageable que le service civique soit étendu aux entreprises comme semble le pousser Bercy9. Le service civique doit rester une mission au service de l’intérêt général ! Pour réussir la généralisation, des moyens doivent être garantis aux structures d’accueil afin qu’elles puissent s’ouvrir plus largement aux jeunes volontaires, quelle que soit leur origine sociale / géographique / scolaire et ce dans de bonnes conditions d’accompagnement.

Enfin, la FAGE rappelle que le service civique ne peut constituer l’alpha et l’oméga des politiques jeunesse, encore moins lors d’un mandat placé sous le signe de la Priorité jeunesse. De nombreux chantiers restent à livrer notamment dans le cadre du projet de loi “Egalité Citoyenneté” : universalisation de la Garantie jeune, généralisation de l’encadrement des loyers, accès au droit commun, mise en place de la Clause impact jeunesse, renforcement de la participation politique des jeunes, etc.

Sources

1 CdP FAGE du 14/11/14 “« Service civique universel » : une fausse bonne idée !”
http://www.fage.org/ressources/documents/2/2191,14_11_14_FAGE_CP_-service_civique_u.pdf

2 Tribune Forum Français de la Jeunesse du 21/12/14 “« Service civique universel » : une priorité jeunesse qui s’égare
http://forumfrancaisjeunesse.fr/wp-content/uploads/2014/12/Tribune-Service-civique-universel-une-priorit%C3%A9-jeunesse-qui-s%C3%A9gare-21-12-14-Forum-Fran%C3%A7ais-de-la-Jeunesse.pdf

3 Lettre ouverte du Mouvement associatif du 04/01/2015
http://lemouvementassociatif.org/actualite/service-civique-une-lettre-ouverte-au-president-de-la-republique

4 Rapport de l’enquête 2014 de l'Observatoire de la jeunesse solidaire “Les jeunes et l’engagement politique”
https://drive.google.com/file/d/0B6QNZT6GReI7QzZaMlF2WU81MDA/view

5 Rapport “L’engagement bénévole associatif en perspective”, France Bénévolat 2014, p7
http://www.francebenevolat.org/uploads/documents/fb102a7ec32fc569465ed0066a1c802a5e0bdb54.pdf

6 Enseignant-chercheur en science politique, professeur à l’université Paris-1, cofondateur de la revue Politix et auteur de Le nouvel esprit de la démocratie : actualité de la démocratie participative

7 CdP FAGE du 05/02/2015 “Service civique : le Président de la République s'engage pour les jeunes”
http://www.fage.org/news/actualites-fage-federations/2015-02-05,fage-service-civique-le-pr-sengage-pour-les-jeunes.htm

8 Contribution de la FAGE de 2007 “Pour un service civique universel”
http://archives.cas.gouv.fr/IMG/pdf/5Contribution_FAGE_service_civique.pdf

9 Le JDD 03/01/2016 “L'agenda hyperchargé de François Hollande”
http://www.lejdd.fr/Politique/L-agenda-hypercharge-de-Francois-Hollande-pour-le-debut-d-annee-2016-766771

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