Rencontre avec Adrien (Président) et Fabien (DG) de la FÉDÉEH , première association membre associé de la FAGE

16/03/16

Lors du Congrès d’Orsay (en septembre 2015), la FÉDÉEH (Fédération Étudiante pour une Dynamique Études et Emploi avec un Handicap) est devenue, à l’unanimité des voix, la première association membre associé de la FAGE. Six mois après cette adhésion, temps de rencontre et d’échanges avec Adrien LERMERCIER, Président de la FÉDÉEH et Fabien GAULUE, Délégué général.

Bonjour Adrien et Fabien, est ce que vous pouvez vous présenter ?

Adrien LEMERCIER : Je suis le Président de la FÉDÉEH depuis février 2014 ; c'est une aventure humaine passionnante qui me permet de défendre des valeurs qui me sont chères comme l'inclusion et la participation active des jeunes en situation de handicap. Diplômé de Sciences Po Paris en 2010 après un Master en Affaires européennes, je suis Attaché à la Ville de Paris, actuellement en poste au sein de la Délégation générale aux Relations internationales. Étant aveugle, je profite chaque jour de la révolution formidable que constituent les nouvelles technologies, élément déterminant pour l'insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées et notamment déficientes visuelles.

Fabien GAULUE : Je suis le Délégué général de la FÉDÉEH depuis sa fondation en 2010. Je dirigeais auparavant l’association nationale d’éducation à la solidarité et à la citoyenneté Starting-Block que j’avais fondée durant mes études à l’EHESS. Le fil conducteur de ces engagements est la conviction que bénévolat étudiant et émulation entre jeunes peuvent être les principes actifs d’une société plus juste, inclusive et solidaire.

Pour commencer, qu'est-ce que la FÉDÉEH ?

Adrien : La Fédération Étudiante pour une Dynamique Études et Emploi avec un Handicap se définit comme « le mouvement national des jeunes pour l’inclusion des jeunes en situation de handicap ». Notre Fédération compte 2 principales composantes : d’une part un Conseil étudiant rassemblant un réseau d’entraide de plus de 600 jeunes handicapés et une cinquantaine d’associations ou fédérations étudiantes ; d’autre part un Conseil ressources constitué d’associations spécialisées, d’établissements d’enseignement supérieur, d’entreprises et de bénévoles désireux de contribuer à la réussite des actions conduites par notre Conseil étudiant. L’axe dominant de nos actions est le continuum de formation jusqu’à l’emploi des jeunes handicapés, mais nous développons de plus en plus des actions dans le domaine du sport, des loisirs et du bien-être, car l’épanouissement personnel est un des principaux ressorts d’une inclusion pleine et entière.

La FÉDÉEH est agréé nationalement « association éducative complémentaire de l’enseignement public » depuis 2014 et « jeunesse et éducation populaire » depuis 2016. Entre temps nous sommes devenu en juin 2015 lauréat de l’appel à projet présidentiel « La France s’engage. »

Historiquement, comment et pourquoi s'est créée la FÉDÉEH ?

Fabien : C’est la conjugaison de beaucoup de facteurs. Ce qu’on peut retenir c’est qu’on était au départ une quinzaine, des étudiants et anciens étudiants handicapés, Présidents d’associations étudiantes, mon collègue à Starting-Block, Marc SPRUNCK et moi, à penser que les jeunes pouvaient avoir un impact plus fort sur l’inclusion et la réussite des jeunes handicapés. Or il y avait beaucoup à faire puisque le temps de scolarisation de ceux en capacité de faire des études longues était bien plus faible que la moyenne, tout comme leur taux d’emploi.

Nous nous sommes donné 2 axes majeurs. Premièrement constituer un réseau d’empowerment et d’émulation entre jeunes handicapés, partiellement comparable aux groupes d’entraide mutuelle créés par la loi de 2005 pour les personnes handicapées psychique. Deuxièmement, accompagner les associations étudiantes dans la conduite d’actions inclusives, qu’il s’agisse de tutorat d’élèves handicapés, de parrainage de jeunes chercheurs d’emploi pour éviter le découragement, de mise en accessibilité d’événements ou de lieux de sociabilité étudiants, d’organisation de mini-forums de recrutement, de sensibilisations, etc. Le petit groupe de membres fondateurs en situation de handicap a joué un rôle clé dans la création de la Fédéeh.

L'engagement et la mise en capacité des jeunes sont des marqueurs communs à nos structures, comment ça se matérialise à la FÉDÉEH ?

Adrien : Tout d’abord nous sommes un mouvement d’éducation populaire et dans notre cas nous sommes un mouvement de jeunes et non de jeunesse, c’est-à-dire que la gouvernance fédérale est, comme à la FAGE, très majoritairement portée par des jeunes, ce qui est extrêmement rare en France pour une organisation nationale. Ensuite l’une de nos valeurs clé est l’empouvoirement des jeunes handicapés (« capacitation » en québécois), dont l’une des modalités réside dans la dynamique de mutualisation, d’émulation et d’entraide qui caractérise la dizaine de commissions thématiques de notre réseau animée par des référents bénévoles le plus souvent handicapés. Ces commissions traitent d’insertion professionnelle, de mobilité internationale, des NTIC pour le handicap visuel, de gestion de la douleur, de plaidoyer… Enfin, les programmes développés par la FÉDÉEH supposent la formation des bénévoles impliqués, aussi chaque année la FÉDÉEH organise une université d’été et 3 Rencontres nationales de mutualisation, d’échanges et de formation.

Quel est le projet phare mis en place par la FÉDÉEH ?

Fabien : Pour la plaisanterie je dirais que nous avons même un programme « PHARES » qui signifie « Par-delà le Handicap Avancer et Réussir ses Etudes Supérieures » et qui repose sur du tutorat étudiant hebdomadaire et collectif d’élèves du secondaire handicapés. Il existe dans 14 Académies où il est porté par 17 associations étudiantes et 21 établissements supérieurs dont seulement 2 universités : Poitiers et Paris Ouest Nanterre La Défense. Nous espérions être dans toutes les Académie en 2016, c’est donc un petit échec. Nous travaillons actuellement à la création d’un autre programme de développement personnel pour des élèves qui ne peuvent pas atteindre le supérieur. Nous sommes aussi connus pour les « handicafés© étudiants et jeunes diplômés », mini forums de recrutement de personnes handicapés créés par L’ADAPT que nous avons implantés sur les forums entreprises d’une vingtaine d’établissements supérieurs, avec à la clé une centaine de contrats signés par an. Mais c’est difficile de mettre l’accent sur une activité plutôt qu’une autre. Il y a encore notre programme Sport en Solidaires, nos bourses d’études, le printemps de l’accessibilité de la vie étudiante, les nuits ou les parrainages handinamiques, etc.

Si on veut se focaliser sur un seul aspect de la FÉDÉEH, je dirais que notre colonne vertébrale c’est notre réseau d’entraide qui compte plus de 600 jeunes handicapés constituant plus de la moitié de notre Conseil d’administration et la très grande majorité des 9 membres de notre Bureau.

Vous développez également un versant plaidoyer, quelles sont vos grandes revendications ?

Adrien : La loi du 11 février 2005 s’intitule « pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. » Disons qu’on voudrait donner un peu plus corps à ces grands principes. Par exemple, les jeunes déficients visuels sont ceux des étudiants handicapés qui suivent les études les plus longues, et paradoxalement, ils sont aussi parmi ceux qui éprouvent le plus un sentiment de discrimination professionnelle. Voilà des années que la FÉDÉEH plaide en vain pour que les logiciels métiers soient accessibles à la source, seule solution efficace pour éviter l’échec ou la placardisation de personnes qui ne demandent qu’à pouvoir exprimer leurs compétences professionnelles. Autre exemple, dans un sondage réalisé en 2015 par l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement, 26% des directeurs d’établissement scolaire « qui exercent leurs fonctions dans des écoles construites après 2008 jugent que leur établissement n’offre pas les conditions satisfaisantes pour la scolarité des enfants porteurs de handicap. » Qu’aujourd’hui encore, malgré ce que prévoit la loi, des enfants orientés en milieu ordinaire ne soient pas accueillis dans l’établissement scolaire de leur quartier parce qu’elle ne leur est pas « suffisamment » accessible ou à leur parents, avec les conséquences évidentes sur le quotidien familial nous parait choquant. Les sujets sont légions et nous allons bientôt les rassembler dans une plateforme en prévision de la campagne présidentielle.

Je dirais aussi que le plaidoyer fédéral consiste à faire connaître et reconnaître notre qualité même d’interlocuteur légitime. Dans ce domaine des progrès sont à saluer à travers divers audiences en cabinet ou plus récemment avec les ministres eux-mêmes dont les déplacements sur nos événements fédéraux sont assez réguliers. A noter encore notre audition fin 2014 par le groupe d’étude de l’Assemblée nationale sur l’intégration des personnes handicapées et notre intégration en juin dernier au sein du groupe de contact jeunes de la Conférence nationale de Santé. Enfin, notre statut, depuis la même période, de lauréat de « La France s’engage » constitue une forme de reconnaissance au plus haut niveau. Mais il y a aussi des revers. Par exemple, nous venons d’apprendre (ou plutôt de comprendre) que pour la deuxième fois notre candidature au Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées (CNCPH) dont le mandat est de 3 ans n’a pas été agréée alors même que vient de se créer un groupe enseignement supérieur pour lequel la CPU, la CDEFI, la CGE et l’association des professionnels universitaires du handicap viennent de faire leur entrée. Apparemment l’expression des représentants des étudiants handicapés n’est pas requise en cette instance… Curieux pour un organe « consultatif des personnes handicapées. »

Vous avez adhéré à la FAGE en septembre, quelles perspectives voyez-vous pour nos structures ?

Fabien : Il est à noter que cette adhésion est rendue possible parce que la FAGE n’est pas polarisée politiquement car la FÉDÉEH ne saurait l’être. En premier lieu elle procède de la même logique que celle qui a conduit la plupart de nos associations et fédérations membres à intégrer la FÉDÉEH : le constat d’un partenariat fructueux. La FAGE a animé un atelier sur la gestion associative dès l’une de nos premières Rencontres nationales. Depuis lors, de façon constante, nos participations à nos événements respectifs ont toujours été concluantes et cordiales. Par exemple la FAGE est depuis 2013 un membre très expert du jury des prix associatifs étudiants ATOS-FÉDÉEH.

Ensuite, la FAGE se définit comme nous comme un mouvement d’éducation populaire. Vous avez à ce titre lancé en 2010 une campagne de sensibilisation et de mobilisation sur l’accessibilité à l’enseignement supérieur pour les élèves et étudiants handicapés à laquelle nous pourrions donner ensemble un nouvel élan. En tout cas, il ne fait aucun doute qu’en conjuguant nos énergies et nos réseaux la cause de l’inclusion des étudiants handicapés pourrait trouver un écho bien plus important sur les campus.

Enfin, notre adhésion à la FAGE vise aussi à faire mieux valoir notre volonté de collaboration constructive aux politiques publiques en faveur de l’inclusion des jeunes handicapés. Dans cette perspective nous apprécions déjà grandement l’intervention récente d’Alexandre LEROY pour débloquer des inerties assez peu compréhensibles dans la formalisation de partenariats relevant pourtant pleinement de notre statut d'« association éducative complémentaire de l’enseignement public ». Dans cette même logique de plaidoyer, le suivi des multiples dossiers que vous traitez en parallèle nous permet de rester au contact de l’actualité chaude de l’enseignement supérieur et de la jeunesse et de penser les questions de handicap en connexion avec les enjeux plus globaux. Tout comme notre appartenance au CNCPH nous aurait permis de ne pas réfléchir en marge des questions qui y sont traitées par les experts de nos diverses parties prenantes.

Un mot de conclusion ?

Adrien : Je suis vraiment convaincu des nouvelles perspectives d’enrichissement mutuel que représentent nos adhésions croisées. Déjà, impressionné par la qualité des Conseils d’administration de la FAGE, notre Secrétaire général, Samuel HYBOIS, a plaidé pour que nous nous inspirions de certaines de vos procédures d’instances. Parallèlement je me réjouis par avance de votre apport au sein de notre CA. C’est donc plein de confiance que nous envisageons le renforcement de notre compagnonnage.

Fabien : Pour ma part, les échanges (parfois musclés) de la boucle mail des administrateurs me renvoient avec admiration et nostalgie pas mal d’années en arrière. Il en ressort une impression de vitalité militante et de foisonnement de compétences dont je n’avais pas pris la pleine mesure lors de mes années étudiantes au cours desquelles j’ai pourtant vu la FAGE faire son entrée au sein de la commission jeunesse du CNAJEP. Les synergies possibles entre nos deux réseaux sont très nombreuses. Hâte de les voir se concrétiser !

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