Historiquement, les premiers tutorats sont apparus dans
les filières médicales. En effet, les étudiants de PACES (Première Année
Commune d’Etudes en Santé) et ses ancêtres (première année de médecine et de
pharmacie) sont confrontés à des cours en immenses amphithéâtres, avec dans la
plupart des facultés une impossibilité d’échanger avec les professeurs du fait
du nombre d’étudiants et de la retransmission instantanée d’un même cours dans
plusieurs amphi en vidéo. Ajoutez à cela un concours hyper sélectif en fin
d’année et ces ingrédients ont été le terreau de création de nombreuses prépas
privées. Ces classes préparatoires proposent un accompagnement individualisé
dans des cours pratiques à faibles effectifs augmentant ainsi la réussite de
leurs participants. Le bémol étant les frais d’inscription de ces cours qui, de
fait, en interdisaient l’accès à tous ceux n’ayant pas les moyens nécessaires
et instaurant ainsi une inégalité sociale dans l’accès aux professions
médicales et de santé.
Forts de ce constat, les étudiants ont décidé, par le
biais de leurs associations, de répondre au besoin identifié et de rétablir une
égalité entre les étudiants face au concours. C’est ainsi que sont nés les
premiers tutorats associatifs par et pour les étudiants. Rapidement, ces
tutorats se sont professionnalisés et deux statuts sont apparus :
les
tutorats associatifs : gérés par l’association des étudiants de la filière
ou une association dédiée ;
les
tutorats facultaires : gérés par les administrations en lien avec les
associations étudiantes.
Quel que soit le statut du tutorat, les tuteurs sont
toujours des étudiants d’année supérieure. Et ce afin de faciliter les
échanges, d’apporter un regard complémentaire à celui des professeurs et de
l’administration, de faciliter l’engagement des jeunes et de créer du lien
entre les différentes promotions d’un même établissement.
Bien plus qu’une répétition des cours, les tutorats
permettent notamment de prolonger les réflexions amorcées en amphi, de
s’exercer sur des cas pratiques, de passer des examens blancs et d’avoir un
suivi personnalisé grâce au parrainage. Au-delà de leurs actions pédagogiques,
les tutorats jouent un rôle social fort. En effet, là où les amphis ne
permettent pas de créer du lien entre les étudiants, les petits effectifs des
groupes sont un lieu de socialisation. Ils permettent également aux étudiants
de rompre l’isolement dans lequel peuvent s’enfermer certains du fait d’un
concours hyper concurrentiel entre étudiants et de les rassurer en pouvant se
situer dans leur travail par rapport aux autres étudiants. Enfin, les
associations proposent également un tutorat méthodologique et d’accompagnement
dans le cadre duquel les tuteurs vont échanger avec les tutorés sur les
méthodes de travail, le rythme à adopter, les trucs et astuces, la vie
étudiante de manière plus globale, etc.
Si le tutorat est donc historiquement présent dans le
cadre de la PACES, il s’est depuis largement ouvert à d’autres filières. En
effet, la FAGE et ses fédérations offrent à leurs associations adhérentes un
cadre d’échange et de mutualisation des bonnes pratiques qui a logiquement fait
émerger le tutorat comme un projet d’innovation sociale à développer au sein de
l’ensemble des études d’enseignement supérieur. Le projet du tutorat va alors
s’adapter aux études dans lequel il va être mis en place. Ainsi, si en PACES le
tutorat avait avant tout été mis en place pour rétablir une égalité face à des
prépas privées, dans d’autres filières, le tutorat va pallier aux insuffisances
pédagogiques des études et mettre en exergue le peu d’utilité (pour les
étudiants comme pour les professeurs) du cours magistral en amphi et tenter
d’amorcer une refonte pédagogique des études.
En effet, les tuteurs loin de reproduire à l’identique
les cours magistraux se sont penchés sur les méthodes de pédagogie active
qu’ils ont mis en place au sein des tutorats. Les tutorats peuvent ainsi servir
d’aiguillon pour les équipes pédagogiques afin d’effectivement mettre en place
le « Student centered learning » qui se matérialise notamment par des
cours en pédagogie inversée : les étudiants ont un pré-read à lire avant
le cours, de ce fait, pendant le cours un réel échange à lieu entre professeur
et étudiants avec des questions – réponses, des cas pratiques, etc.
Dans une logique de démarche qualité, l’ANEMF
(Association Nationale des Etudiants en Médecine de France) et l’ANEPF
(Association Nationale des Etudiants en Pharmacie de France) évaluent chaque
année les tutorats en santé de France. Cette évaluation porte sur une grille de
100 points et les tutorats reçoivent un agrément bronze, argent ou or en fonction
du nombre et de la qualité des services proposés aux étudiants. L’objectif est
d’inscrire les tutorats dans une démarche d’amélioration continue et de
renforcer le service rendu aux étudiants. De plus, pour favoriser l’innovation,
l’ANEMF et l’ANEPF organisent annuellement le WET (Week-End Tutorat) qui est
l’occasion pour les bénévoles investis dans les tutorats de se rencontrer, de
se former et d’échanger afin de diffuser les bonnes pratiques.
Enfin, les tutorats se sont posé la question de leur
impact social. Ainsi, une étude de 2005 menée par « La revue du praticien »
à l’Université de Paris Descartes a démontré que les prépas privées n’offraient
pas un avantage aux étudiants par rapport au tutorat alors même que ces prépas
pratiquent des tarifs exorbitants loin de la gratuité - ou de la faible
participation aux frais - demandée par les tutorats. De plus, si les avantages
pour les étudiants bénéficiant du tutorat sont évidents, les étudiants investis
comme tuteurs bénéficient également d’un impact positif. En effet, une étude
menée par le TAM (Tutorat Associatif Marseillais) a démontré qu’a niveau
scolaire initial égal, les étudiants ayant été tuteurs réussissaient mieux que
les étudiants ne s’étant pas investis dans le tutorat.
En définitive, le tutorat est donc un projet global qui a
un impact fort et direct tant sur les étudiants tutorés que sur les tuteurs. De
plus, le tutorat est un moyen de développer la pédagogie centrée sur l’étudiant
au sein de l’enseignement supérieur et s’inscrit ainsi en complémentarité de
l’action que peuvent mener les élus étudiants. Ce projet d’innovation sociale
porté par les pairs est de plus un moyen de favoriser l’engagement des jeunes
dans le cadre d’une mission d’intérêt général.
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