Historiquement, les premiers tutorats sont apparus
dans les filières médicales. En effet, les étudiants de PACES (Première Année
Commune d'Études en Santé) et ses ancêtres (première année de médecine et de
pharmacie) sont confrontés à des cours en immenses amphithéâtres, avec dans la
plupart des facultés une impossibilité d’échanger avec les professeurs du fait
du nombre d’étudiants et de la retransmission instantanée d’un même cours dans
plusieurs amphi en vidéo.
Dans un premier temps ces classes préparatoires ont
proposé un accompagnement individualisé dans des cours pratiques à faibles
effectifs augmentant ainsi la réussite de leurs participants. Le bémol étant
les frais d’inscription de ces cours qui, de fait, en interdisent l’accès à
tous ceux n’ayant pas les moyens nécessaires et instaurant ainsi une inégalité
sociale dans l’accès aux professions médicales et paramédicales.
Forts de ce constat, les étudiants ont décidé, de
répondre au besoin identifié de rétablir une égalité entre les étudiants face
au concours. C’est ainsi que sont nés les premiers tutorats associatifs par et
pour les étudiants. Rapidement, ces tutorats se sont professionnalisés et trois
statuts sont apparus :
- les
tutorats associatifs : gérés par l’association des étudiants de la filière ou
une association dédiée ;
- Les
tutorats institutionnalisés : gérés par la faculté
Quel que soit le statut du tutorat, les tuteurs sont
toujours des étudiants d’année supérieure. Et ce afin de faciliter les
échanges, d’apporter un regard complémentaire à celui des professeurs et de
l’administration, de faciliter l’engagement des jeunes et de créer du lien
entre les différentes promotions d’un même établissement.
Bien plus qu’une répétition des cours, les tutorats
permettent notamment de prolonger les réflexions amorcées en amphi, de
s’exercer sur des cas pratiques, de passer des examens blancs et d’avoir un
suivi personnalisé grâce au parrainage. Au-delà de leurs actions pédagogiques,
les tutorats jouent un rôle social fort. En effet, là où les amphis ne
permettent pas de créer du lien entre les étudiants, les petits effectifs des
groupes sont un lieu de socialisation. Ils permettent également aux étudiants
de rompre l’isolement dans lequel peuvent s’enfermer certains du fait d’un
concours concurrentiel entre étudiants et de les rassurer en pouvant se situer
dans leur travail par rapport aux autres. Enfin, les associations proposent
également un tutorat méthodologique et d’accompagnement dans le cadre duquel
les tuteurs vont échanger avec les tutorés sur les méthodes de travail, le
rythme à adopter, les trucs et astuces, la vie étudiante de manière plus
globale, etc.
La FAGE et ses fédérations offrent à leurs
associations adhérentes un cadre d’échange et de mutualisation des bonnes
pratiques qui a logiquement fait émerger le tutorat comme un projet
d’innovation sociale à développer au sein de l’ensemble des études
d’enseignement supérieur. Le projet du tutorat va alors s’adapter aux études
dans lequel il va être mis en place. Ainsi, si en PACES le tutorat avait avant
tout été mis en place pour rétablir une égalité face à des prépas privées, dans
d’autres filières, le tutorat peut pallier aux insuffisances pédagogiques des
études et mettre en exergue le peu d’utilité (pour les étudiants comme pour les
professeurs) du cours magistral en amphi et tenter d’amorcer une refonte
pédagogique des études.
En effet, les tuteurs loin de reproduire à l’identique
les cours magistraux se sont penchés sur les méthodes de pédagogie active
qu’ils ont mis en place au sein des tutorats. Les tutorats peuvent ainsi servir
d’aiguillon pour les équipes pédagogiques afin d’effectivement mettre en place
le « Student centered learning » qui se matérialise notamment par des cours en
pédagogie inversée : les étudiants ont un pré-read à lire avant le cours, de ce
fait, pendant le cours un réel échange à lieu entre professeur et étudiants
avec des questions – réponses, des cas pratiques, etc.
Dans une logique de démarche qualité, l’ANEPF
(Association Nationale des Etudiants en Pharmacie de France), l’ANEMF (Association Nationale des Etudiants en Médecine de France), accompagnées par
la FAGE, évaluent chaque année les tutorats en santé de France. Cette
évaluation porte sur une grille d’évaluation et les tutorats reçoivent un
agrément bronze, argent ou or en fonction du nombre et de la qualité des
services proposés aux étudiants. L’objectif est d’inscrire les tutorats dans
une démarche d’amélioration continue et de renforcer le service rendu aux
étudiants. De plus, pour favoriser l’innovation, l’ANEPF et l’ANEMF organisent
annuellement le WET (Week-End Tutorat) qui est l’occasion pour les bénévoles
investis dans les tutorats de se rencontrer, de se former et d’échanger afin de
diffuser les bonnes pratiques.
Il existe également des tutorats qui s’organisent autour d’autres
disciplines au vu de l’ouverture de la PACES à de nouvelles filières, et au
fait que certaines filières ne sont plus accessibles que par cette première
année commune. Nous voyons donc nombres d’autres associations de la FAGE telles
que chez les étudiants en kinésithérapie grâce à la FNEK (Fédération Nationale
des Etudiants en Kinésithérapie) ou chez les étudiants en dentaire avec l’UNECD
(Union Nationale des Etudiants en Chirurgie Dentaire) mettre en place des
tutorats. Les étudiants en soins infirmiers au travers de la FNESI (Fédération
Nationale des Etudiants en Soins Infirmiers), également adhérente à la FAGE,
organisent aussi un tutorat associatif pour accompagner les étudiants et il est
prévu une plateforme en ligne pour produire un service toujours plus accessible
en adéquation avec les nouvelles pratiques estudiantines.
Enfin, les tutorats ont posé la question de leur
impact social. Ainsi, une étude de 2005 menée par « La revue du praticien » à
l’Université de Paris Descartes a démontré que les prépas privées n'offrent pas
un avantage aux étudiants par rapport au tutorat alors même que ces prépas
pratiquent des tarifs exorbitants loin de la gratuité - ou de la faible
participation aux frais - demandée par les tutorats. De plus, si les avantages
pour les étudiants bénéficiant du tutorat sont évidents, les étudiants investis
comme tuteurs bénéficient également d’un impact positif. En effet, une étude
menée par le TAM (Tutorat Associatif Marseillais) a montré qu'à niveau scolaire
initial égal, les étudiants ayant été tuteurs réussissent mieux que les étudiants
ne s’étant pas investis dans le tutorat.
En définitive, le tutorat
est donc un projet global qui a un impact fort et direct tant sur les étudiants
tutorés que sur les tuteurs. De plus, le tutorat est un moyen de développer la
pédagogie centrée sur l’étudiant au sein de l’enseignement supérieur et
s’inscrit ainsi en complémentarité de l’action que peuvent mener les élus
étudiants. Ce projet d’innovation sociale porté par les pairs est de plus un
moyen de favoriser l’engagement des jeunes dans le cadre d’une mission
d’intérêt général.
L’implication des étudiants en tant que tuteur est, dans
certains établissement, valorisée. En effet, il est reconnu des compétences à
l’étudiant qui s’implique au sein du tutorat comme celles de savoir encadrer un
groupe, faire preuve de pédagogie et aussi d’accompagner un étudiant vers la
réussite. D’un autre côté, l’étudiant à une reconnaissance et une valorisation
de son engagement au même titre qu’une valorisation pour un engagement
associatif, solidaire et citoyen.
Le tutorat est un dispositif de réussite, de
démocratisation de l’enseignement supérieur mais aussi de formation par les
pairs qui a fait ses preuves et qui ne cesse de se développer à tel point qu’il
est devenu une valeur sûre de la formation du monde de l’enseignement
supérieur.
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